1/ Introduction à la problématique des déchets nucléaires

Le problème majeur de l'industrie nucléaire est la gestion des déchets produits par le processus de fission, source de l'énergie nucléaire. La particularité des déchets nucléaires réside dans leur radioactivité qui est difficile à confiner et est extrêmement nocive pour les êtres vivants (cancérigène, mutagène,...). Or pour perdre naturellement plus de 99 % de sa radioactivité initiale, un produit de fission peut mettre, selon la valeur de sa période*, entre 280 ans (strontium 90) et 240 000 ans (plutonium 239).

Question d'éthique
Actuellement, soit plus de 30 ans après le début de la production massive de ces déchets, il n'existe aucune technique d'élimination satisfaisante de la radioactivité autre que la désintégration naturelle des radioéléments.
Par conséquent, il est nécessaire de maintenir cette radioactivité à l'écart de la biosphère durant une durée infinie comparée à l'espérance de vie d'un homme (plus de 100 000 ans). Tout au plus, peut-on la laisser diffuser très faiblement de manière à la diluer "suffisamment" dans l'environnement pour qu'elle ne semble représenter aucun danger.

Hélas, dans l'état actuel des techniques, la génération de radioactivité par l'activité électronucléaire est plus rapide que son élimination. L'accumulation qui en découle pose donc fatalement le problème de ses modes de confinement et de ses lieux de stockage dont il faut assurer la fiabilité (séisme, dégradation) et la sécurité (terrorisme) à trés trés long terme.

L'industrie nucléaire pose donc un problème plus éthique que technique : nous laissons aux nombreuses générations futures le soin d'éliminer ou de confiner cette radioactivité pour une énergie consommée par leurs ancêtres.

Les trois voies de gestion envisagées
Le mode de gestion classique en surface commençant à coûter cher, des nouvelles voies de recherche sont envisagées. La loi du 31 décembre 1991 en envisage trois :
A) l'enfouissement : il s'agit de stocker de manière IRRÉVERSIBLE dans des formations géologiques profondes dont l'étanchéité serait étudié par l'ouverture de laboratoires souterrains avant toute introduction de déchets. Cette solution est très contestée car qui peut garantir une telle étanchéité sur plus de 100 000 ans. Selon l'article 4 de la loi, le parlement se prononcera en 2006 sur le passage de ces laboratoires en site de stockage ;

B) la transmutation : c'est la voie la plus tentante et la plus rationnelle. Elle consiste à supprimer la radioactivité des éléments à longue période en les transformant en éléments non radioactifs ou à période courte. De l'alchimie en quelque sorte. Différentes techniques de transmutations sont possibles mais il sont soit peu sûrs, soit longs, soit coûteux. Le Rubbiatron* fait partie d'un de ces projets de transmutation. De plus en amont de la transmutation, la nécessaire séparation des différents produits de fission est une opération trés délicate ;

C) le confinement de surface réversible : il s'agit de la voie la plus sage puisqu'il s'agit en quelque sorte de surveiller les contenants et de les changer lorsqu'ils deviennent "poreux". Évidemment, cela nécessite de grands volumes de stockage. C'est le mode de stockage actuellement répandu.
Sources : Christophe VIEREN

2/ Quelques chiffres pour se repérer

Chacun d'entre nous (en France) produit environ 1 kg par an de déchets radioactifs contre 2 500 kg par an de déchets industriels, dont 100 kg de déchets chimiques.

95 % des déchets radioactifs sont générés par l'industrie électronucléaire. Volume annuel de déchets nucléaires en France : 25 000 m3 soit 10 piscines olympiques dont 200 m3 de radioéléments à longues périodes. ( La période des principaux produits de fission : une période = réduction d'activité de moitié, puis la moitié de ce qui reste la période suivante, etc..)

Volume cumulé de déchets enrobés en France (radioéléments à vie courte essentiellement) : 170 000 m3 en 1982, 700 000 à 900 000 m3 en 2000.

Combien y a t-il de centrales nucléaire en France ? 58 réacteurs en fonctionnement (répartis sur 20 sites) dont 34 réacteurs d'une puissance de 900 MW, 20 réacteurs de 1300 MW, et 4 réacteurs de 1450 MW.

Combien y a t-il de réacteurs en fonctionnement dans le monde ? A fin 2004, 441 réacteurs nucléaires étaient en fonctionnement dans le monde. 25 en construction.

Les 4 plus gros producteurs d'électricité "nucléaire" : Etats Unis 780TWh / an soit 20,3% de leur production d'électricité, France 416TWh / an soit 78%, Japon 314 TWh / an soit 34,5%, Allemagne 162 TWh / an soit 29,9%

Accident : Radioactivité répandue dans la biosphère par l'accident de Tchernobyl : 4 800 TéraBecquerels soit l'équivalent de 90 bombes Hiroshima.

Périodes des radio éléments :
Plutonium 239 : 24 000 ans ( mais dangereux jusqu'à 240 000 ans)
Strontium 90 : 28 ans ( dangereux jusqu'à 280 ans)
Césium 137 : 30 ans ( dangereux jusqu'à 300 ans)

Déchets nucléaires dans les océans :
Les déversements de déchets nucléaires sont réglementés mais autorisés jusqu'en 1982, ils ont commencés en 1946. Des centaines de milliers de fûts de déchets enrobés dans du bitume ou du ciment, parfois groupés dans des containers, reposent au fond des mers. Il suffit de 10 à 15 ans pour que ces matériaux se désagrègent sous l'effet de l'eau de mer... Et il est arrivé, dans les tout débuts, qu'on verse directement les déchets sans emballage, en vrac, voire sous forme liquide. Et tout cela sans parler des déversements illicites.
- Sous marins et navires nucléaires : 510 sous-marins nucléaires sillonnent les mers, 10 bateaux civils à propulsion nucléaire, avec réacteurs nucléaires ou armes nucléaires sous forme de bombes ou de missiles. Bien qu'impossible à quantifier, on connait au moi 32 cas d'incidents plus ou moins important de ces navires.
Sources : Divers dont info nucléaire (contre) et site-gamma (pour)

3/ Contamination nucléaire en Sibérie

Le retraitement des combustibles usés est responsable de plus de 99% de la contamination de l'environnement de l'ex-Union soviétique.

Avant propos : les 3 complexes en cause

Guerre froide oblige, de vastes complexes d'armements nucléaires ont vu le jour aux Etats-Unis et en Union Soviétique. Pendant près de cinquante ans, de grandes quantités de déchets radioactifs y ont été produites. Si une partie de ces déchets a été entreposée dans des conditions d'une relative sûreté, des quantités significatives ont été relâchées dans l'environnement, lors d'événements accidentels aussi bien qu'au cours de rejets planifiés. Dans l'ex-Union soviétique le retraitement du combustible nucléaire issu des réacteurs militaires est la cause majeure de la contamination de l'environnement. Retraiter le combustible usé c'est mettre en oeuvre une série d'opérations mécaniques et chimiques pour séparer l'uranium et le plutonium des autres produits. Ces derniers incluent en particulier les déchets à haute radioactivité que constituent la plupart des produits de fission.

Depuis l'effondrement de l'Union soviétique en décembre 1991, la Russie n'a pas totalement mis fin à ses procédures de retraitement. Elle conserve ainsi en opération trois réacteurs dits " duaux " parce qu'ils produisent à la fois de l'électricité et des matériaux destinés à la production d'armes. De plus, une partie des déchets issus des opérations de retraitement est toujours rejetée dans l'environnement. En revanche, aux Etats-Unis aucun réacteur de production ni aucune usine de retraitement n'a fonctionné depuis 1988.
Dans l'ex-Union soviétique comme aux Etats-Unis, les zones les plus contaminées se trouvent à l'intérieur des installations de retraitement ou dans leur voisinage immédiat. Pratiquement toutes les composantes du complexe nucléaire militaire de l'ex-Union soviétique sont situées en Russie, plus précisément en Sibérie :

Mayak (près de Tcheliabinsk)

Tomsk-7

Krasnoyarsk-26

En Russie, les rejets ont été principalement effectués par injection en profondeur dans le sous-sol (environ 1,5 milliard de curies), tandis qu'environ 120 millions de curies sont dus aux rejets dans des lacs et des bassins sur chacun des sites de Tomsk-7 et Myak.
L'expérience scientifique accumulée au cours des cinquante dernières années devrait permettre de trouver des solutions pour réhabiliter l'environnement et gérer ces déchets. Le Département de l'énergie des Etats-Unis (DOE) et le ministère de l'Energie atomique de la Fédération Russe (Minatom) ont commencé à partager ces ressources depuis six ans. Nul doute que ce partenariat est destiné à se poursuivre sur une longue période.

Un événement a poussé la communauté internationale à prendre conscience de la contamination radioactive dans ce qui était encore l'Union soviétique: c'est l'accident de la centrale ukrainienne de Tchernobyl, en 1986.
Chacun sait qu'il a causé une contamination significative de l'environnement et engendré des effets néfastes sur la santé humaine. On sait moins que la quantité de radioactivité qui, à l'heure actuelle, se trouve dans l'environnement à cause de cet accident est en fait beaucoup plus faible que celle rejetée par les complexes nucléaires sibériens. D'autres activités ont conduit à relâcher des quantités considérables de radioactivité dans l'environnement de l'ex-Union soviétique : essais d'armes nucléaires; explosions nucléaires utilisées pour créer des cavités de stockage ou récupérer du pétrole et des minéraux; opérations navales; exploitations minières et usines de traitement de l'uranium... Mais, là aussi, les quantités en jeu sont très inférieures aux rejets des complexes militaires de Mayak, Tomsk-7 et Krasnoyarsk-26 : celles résultant de l'extraction du minerai d'uranium dans l'ex-Union soviétique.

Le site de Mayak

Le complexe de Mayak est le premier réacteur de production nucléaire édifié en Union Soviétique. Situé à quelque 70 kilomètres au nord de Tcheliabinsk, il couvre une surface de l'ordre de 200 km2. Pendant quarante ans, divers événements ont eu des conséquences avérées sur les populations locales. Environ 500 000 personnes ont reçu une dose " élevée " de radiation et environ 18 000 ont dû être déplacées. Quels sont ces événements ?

La contamination de la rivière Techa, des lacs artificiels et de la région de Asanov Marsh, située en aval d'un réservoir, est due au rejet direct de déchets hautement radioactifs dans la rivière : ceux-ci se sont principalement déroulés entre 1949 et 1952.
En 1951, l'Union soviétique a commencé à construire une cascade de lacs le long de la rivière Techa, dans un double but : d'une part éviter toute migration supplémentaire des déchets hautement radioactifs et, d'autre part, stocker les déchets de plus faible activité. Mais, aujourd'hui, l'eau constitue une source indéniable de contamination pour la rivière Techa et pour les cours d'eau en aval, notamment le fleuve Ob.
Près de Mayak, le lac Karachai décharge les déchets radioactifs à compter de 1951. En 1967, un accident a été enregistré: les vents ont transporté jusqu'à 75 kilomètres du site environ 600 curies de particules radioactives, associées à la poussière des rives desséchées du lac.
Le souci majeur associé à ce lac est représenté par le strontium 90, dont on sait qu'il migre dans les eaux souterraines. Mayak se livre encore aujourd'hui à des rejets de déchets liquides faiblement radioactifs produits lors des processus de séparation chimique. Entre 1951 et 1989, 5 millions de mètres cubes de solutions contaminées ont pénétré les couches géologiques situées sous le lac.

Depuis 1967, le gouvernement national fait lentement combler ce lac. Des milliers de blocs de béton creux de 1 m de côté sont immergés pour piéger les dépôts boueux du fond du lac et les empêcher de s'accumuler sur les rives au fur et à mesure que celui-ci est comblé. Les blocs sont recouverts de tonnes de terre et de roche. Le 29 septembre 1957, un accident s'est produit dans un conteneur où étaient entreposées des solutions de produits radioactifs de fission (nitrate de sodium, acétate de sodium). Le conteneur était refroidi à l'eau par périodes. Ceci a finalement conduit à une surchauffe des sels de nitrate et d'acétate et à l'explosion du conteneur, causant la dispersion, par des vents soufflant à 25 km/h, d'à peu près 2 millions de curies dans l'atmosphère; le reste étant retombé à proximité immédiate du conteneur.

A Mayak, divers projets ont été entrepris pour résoudre ces graves problèmes de gestion des déchets. La vitrification, c'est-à-dire la transformation des déchets nucléaires hautement radioactifs en verre stable à base de phosphate, est l'une des réalisations majeures des scientifiques de Mayak. A partir de 1967, plusieurs recherches et usines pilotent conduisent à la mise en service du premier four en céramique en 1986.

En 1991, un second four remplace le premier. 25% des conteneurs de déchets de Mayak ont été vitrifié et entreposé, mais non géologiquement stockés. Les scientifiques russes étudient aujourd'hui divers procédés de stabilisation des déchets susceptibles d'offrir des durées de vie supérieures à la vitrification. Le site de Mayak est, parmi les trois sites russes de réacteurs de production et de retraitement, celui qui a, de loin, reçu la plus grande attention des médecins et épidémiologistes.

Les conséquences sur les populations de Mayak

Le nombre de leucémies a connu une augmentation significative dans la région de Mayak. Cette augmentation est directement liée aux rejets de déchets radioactifs dans la rivière Techa qui ont eu lieu entre 1949 et 1954. Cent vingt-quatre mille personnes vivant près de la rivière Techa ont été exposées à des radiations élevées et 28 100 d'entre elles, habitant le long de la rivière, ont reçu les plus hautes doses. Seulement 7 500 personnes ont été évacuées de vingt villages.

Dans les forêts, les scientifiques ont observé les dégâts causés sur les pins et les bouleaux qui allaient jusqu'à dépérir complètement. Les autorités locales ont interdit la chasse dans des " aires spéciales ". Quant au bois, il n'était autorisé à la coupe que dans certaines zones.
Environ deux tiers des terres contaminées dans la région de Tcheliabinsk ont pu être, de nouveau cultivées à partir de 1989. La contamination n'est plus considérée comme étant de nature critique en comparaison des autres problèmes du site de Mayak. Elle est retombée à des valeurs relativement petites (pour Mayak...), les zones les plus contaminées sont d'accès restreint ou sont clôturées, et seule une petite proportion de la contamination est présente dans les ruisseaux et les rivières.

D.J.B.

Le site de Tomsk-7.

Deuxième site de production et de retraitement de l'Union soviétique, construit vers le milieu des années 1950, Tomsk-7 est situé près de la petite ville de Seversk et de la grande ville de Tomsk, en Sibérie. Ces dépôts, avec ceux du lac Karachai à Mayak, sont considérés comme les sources de matière radioactive les plus importantes du monde dans des eaux superficielles. De plus, le site de Tomsk-7 a rejeté dans la rivière Tom jusqu'à 42 000 m3 par jour d'eau de refroidissement contaminée, provenant des réacteurs de production de plutonium. Cependant, la forme principale de gestion des déchets à Tomsk-7 s'avère être l'injection dans des puits. Cette technique consiste à déposer les déchets radioactifs dans des formations souterraines profondes (240 - 340m) pour les isoler de l'environnement immédiat. Elle a été employée à Tomsk-7 depuis 1963. Selon les déclarations officielles de Minatom, les déchets radioactifs disposés en sous-sol représentent une radioactivité de 1 milliard de curies (12). Des études à Tomsk-7 et Krasnoyarsk-26 ont été initiées afin de prédire les compositions chimiques et radiochimique de ces déchets, ainsi que les propriétés du milieu géologique dans lequel ils ont été placés.

Le site de Krasnoyarsk-26.

La mise en service de Krasnoyarsk-26, situé à 40 km de la ville de Krasnoyarsk, a commencé vers la fin des années 1950. Renommée par la suite Zhelenogorsk, Krasnoyarsk-26 a été construite en sous-sol. A l'instar des deux autres sites, la contamination de l'environnement à Krasnoyarsk-26 est la conséquence de dépôts dans des lacs et d'injection dans des puits souterrains profonds. Il y a quatre lacs à Krasnoyarsk-26, avec un contenu radioactif. Utilisés comme bassins de sédimentation, ils sont situés près de la rivière Yenisei. Pour minimiser les risques de débordement, un tuyau de drain siphonne l'eau en excès directement dans la rivière Yenisei.

La surface totale contaminée par les opérations d'extraction et de traitement de l'uranium est estimée à 600 km2

Depuis 1963, comme à Tomsk, les déchets radioactifs liquides ont également été injectés en sous-sol dans les couches d'argile et de sable aquifère situées sous Krasnoyarsk-26. Cette pratique se perpétue encore aujourd'hui.
Selon une étude récente, deux zones majeures et huit points de contamination radioactive ont été identifiés.
Selon des études russes, ces déchets verront leur radioactivité décroître jusqu'à un niveau non significatif avant d'avoir parcouru une distance importante dans le sous-sol à partir de leur site d'injection.

DON J. BRADLEY est chercheur au Pacific Northwest National Laboratory, à Richland, Etat de Washington.
CLYDE W. FRANCK, Environmental restoration and waste management, Département de l'énergie des Etats-Unis, à Washington DC.
YEVGUENY MIKERIN est directeur du département Science et Technologie, ministère de l'Energie atomique de la Fédération russe, Moscou.
Une version originale de cet article est parue en avril 1996 dans la revue américaine Physics Today. Pour La Recherche, le texte a été adapté et complété par ses auteurs.
LA RECHERCHE N-304 DÉCEMBRE 1997 (extraits)

4/ La catastrophe de Tchernobyl

En service depuis 1983. Le réacteur contient 1 681 tubes de force enfermant le combustible (soit 190 tonnes d’oxyde d’uranium enrichi) et un empilement de graphite comme modérateur, le tout refroidi par une circulation d’eau sous pression.

Trois causes pour un accident :
La première cause de l'accident est le réacteur lui-même. Les soviétiques n'ont pas assez pris en compte les problèmes de sûreté lors de sa conception. C’est lors d’un essai de sûreté que tout s’est déclenché. (tester le fonctionnement d'un nouveau système de refroidissement de secours du coeur.) Le personnel n'a pas su anticiper et stopper à temps le processus destructeur. Il l’a même amplifié.

Un engrenage fatal
Une réduction de la puissance est demandée par le centre de distribution électrique.
Une erreur des opérateurs conduit à une baisse excessive de la puissance et à une chute de réactivité : le réacteur n'est plus stable.
En violation de la procédure, les opérateurs décident d'effectuer l'essai prévu et bloquent les signaux d'arrêt d'urgence sur "bas niveau" et "basse pression" dans les séparateurs de vapeur. Le calculateur ordonne l'arrêt immédiat, le personnel décide toutefois de continuer l'essai, la pression de vapeur augmente...
Le chef opérateur ordonne alors l'arrêt d'urgence : la totalité des barres est descendue dans le cœur. En vain, le pic de puissance est atteint, provoquant une explosion, puis un incendie. Dans le coeur, les crayons de combustible se fragmentent.
Les pastilles d'oxyde d'uranium, surchauffées, explosent et provoquent une déflagration qui soulève la dalle supérieure du réacteur, d'un poids de 2 000 tonnes. La partie supérieure du coeur du réacteur est à l'air libre. Le graphite prend feu. Trente foyers s'allument.
Il faudra trois heures aux pompiers pour les éteindre. Du 27 avril au 10 mai, 5 000 tonnes de matériaux (sable, bore, argile, plomb…) sont déversées par hélicoptère pour recouvrir le réacteur.

Les rejets
Les rejets radioactifs sont très variés. Les débris de combustible et de structure du réacteur sont projetés dans l’environnement proche de la centrale. Les poussières, les aérosols, les gaz sont entraînés par les masses d’air jusqu’à 10 000 mètres d’altitude et dérivent au gré des vents.
Au total, ce sont près de 12 exabecquerels(*) qui, en 10 jours, sont partis dans l'environnement, soit 30 000 fois l'ensemble des rejets d'aérosols des installations nucléaires dans le monde en une année. Le panache radioactif a disséminé sur la plupart des pays d’Europe des radionucléides tels que l’iode 131, le césium 134 et le césium 137. Du fait de sa courte période radioactive (huit jours), l’iode 131 a rapidement disparu. Aujourd’hui, on décèle toujours la radioactivité due au césium 137.
* exa : préfixe signifinant milliards de milliards

Environ 45% du césium rejeté par l’explosion s’est déposé dans les Etats de l’ex-URSS. C’est le Bélarus qui est le plus touché. Les dépôts ne sont pas homogènes. Ils se répartissent çà et là en «taches de léopard».
De nombreux matériaux retombent à proximité du site. Une zone d’exclusion de 30 km est déclarée autour de la centrale. Toutes les personnes vivant dans ce périmètre sont évacuées, après avoir été extérieurement décontaminées.

Europe de l’Est : On possède moins d’informations sur les dépôts de césium en Europe de l’Est qu’en ex-URSS et en Europe de l’Ouest.
Europe de l’Ouest : C'est en Autriche, en Allemagne, en Italie et en Scandinavie que les dépôts mesurés sont les plus élevés.En revanche, en Espagne et au Portugal, les dépôts sont faibles.

Les eaux de rivière
Les eaux ont été contaminées directement par les rejets.
Le ruissellement des eaux de pluie ou les crues ont ensuite favorisé le drainage d’une partie des dépôts au sol.
Les nappes phréatiques ne sont pas touchées, si ce n’est à proximité même du site où des débris contaminés ont été hâtivement enfoui.
La Pripiat et le Dniepr, réservoirs en eau potable des principales villes d’Ukraine, ont été contaminés.

Les forêts
L’interception des aérosols par le feuillage, puis la chute
des feuilles ont entraîné une contamination localisée de la litière des forêts sur une surface d’environ 40 000 km2. Plus de douze ans après l’accident, la contamination se concentre dans les cinq premiers centimètres de la litière végétale et favorise la contamination du bois par voie racinaire, surtout pour les jeunes pousses. C’est pourquoi la commercialisation du bois est réglementée.
Dans la zone d’exclusion de 30 km autour de la centrale, qui ne fait l’objet d’aucune activité forestière, 30% du bois coupé dépasse la limite autorisée pour la commercialisation. La consommation des produits de cueillette (champignons, baies…) et de la chasse reste réglementée.

Les produits agricoles
Dans les sols, la contamination reste piégée à 90% dans les dix premiers centimètres. Entre 1987 et 1992, le niveau de contamination a décru de 60%. Aujourd’hui, les transferts aux végétaux (cultivés ou non) restent constants. 10% de ces produits provenant des zones contaminées (produits laitiers, viandes et champignons) présentent un niveau d’activité supérieur aux seuils de consommation temporaire fixés par les autorités. La quasi-totalité des céréales et des pommes de terre produites présente une activité inférieure au seuil fixé à 100 Bq/kg de poids frais.
Source : Information pour tous (site de L'IRS - institut de radioprotection et de sureté nucléaire)
Article du 26 avril 1986

5/ Divers, à savoir

Centrales nucléaires : Bientôt l'urgence de la déconstruction.

Ultime étape de la vie d'une centrale nucléaire, la déconstruction est un long processus, coûteux et risqué, dont les spécialistes ne maîtrisent pas toute la complexité. Le temps où le parc nucléaire vieillit et doit être démantelé arrive. Passé 40 ans, les coûts d'entretien et les mises aux normes de sécurité deviennent exorbitants. Elles sont donc déconstruites, comme c'est le cas, actuellement, pour neuf d'entre elles en France.
Cette ultime étape de la vie de la centrale pose problème car, avec l'arrivée massive des opérations de déconstruction, les spécialistes du nucléaire entrent de nouveau dans l'inconnu. Théoriquement, après avoir vidé le réacteur de son combustible, il faut attendre cinquante ans avant de démolir la partie non nucléaire du site, le temps que la radioactivité diminue. Mais par peur de laisser aux générations futures de trop lourdes responsabilités, EDF a choisi de supprimer ce délai.
Greenpeace dénonce cette attitude d'EDF qui prétend, sans convaincre, pouvoir maîtriser le cycle nucléaire à l'échelle d'une vie humaine. La filière nucléaire fait donc face à de graves incertitudes, car non seulement la déconstruction coûte cher, mais les sites qui accueillent les déchets sont presque tous saturés.
Alors, que faire de ceux issus des démantèlements en cours ? Bien que finançant la recherche sur ce sujet, EDF semble repousser le problème à plus tard. L'année dernière, EDF a proposé de prolonger de dix ans la durée d'activité des centrales, signant ainsi sa volonté d'investir dans le nouveau parc nucléaire plutôt que dans l'ancien. Une situation alarmante alors qu'un "boom" de la déconstruction se profile. Entre 2020 et 2050, pas moins de cinquante-huit centrales seront obsolètes.

En France, 80 % de l'électricité est d'origine nucléaire. A part la Chine, qui a commandé 50 réacteurs pour 2020, aucun autre pays au monde n'en est dépendant à ce point et n'envisage de le rester. Aux Etats-Unis, aucun réacteur n'a été construit depuis vingt ans. En Europe, l'Italie, la Suède et l'Allemagne refusent toute reconstruction et s'apprêtent à sortir du nucléaire.
Source : Gaël Nivollet / Documentaire de France 5

L'argumentation des pro-nucléaires :
La SFEN (Société Française d'Energie Nuclaire), nous explique qu'un certain nombre d'installations nucléaires ont déjà été démantelées, l'expérience en est donc assimilées et les coûts maitrisés.
Cliquez ici pour consulter un document PDF relatif au démantelement des installations nucléaires : lallement.pdf

Pour en savoir plus sur le fonctionnement d'une centrale nucléaire : le site de la SFEN

Nouveau projet d'importation de déchets Radioactif à Mayak

Une région de l'Oural irradiée va importer des déchets nucléaires
A la mi-avril, les députés russes ont approuvé en seconde lecture un projet de loi qui autorise l'importation de déchets nucléaires qui devraient pour l'essentiel aboutir à Mayak, vaste complexe atomique qui abrite le seul centre de retraitement de Russie. L'UE s'est déclarée préoccupée. En effet, le centre ne répond pas aux critères de sécurité européens. Mais, pour Moscou, les perspectives financières sont alléchantes: selon le ministère de l'Energie atomique, le projet pourrait rapporter près de 20 milliards de dollars (23 milliards d'euros) dans les dix prochaines années. La Douma devra définitivement se prononcer le 7 juin 2001, lors d'un ultime débat.

Beaucoup d'argent. La perspective de voir arriver à Mayak des monceaux de déchets nucléaires du monde entier inquiète les écologistes de la région. Mais, pour les autorités, nécessité fait loi. «C'est vrai que, cinquante ans après les incidents, la situation est loin d'être assainie», reconnaît Guenadi Podtesev, le vice-gouverneur de la région de Tcheliabinsk chargé de l'environnement, «mais si nous obtenons 25 % de l'argent gagné de cette manière pour nous attaquer aux problèmes sociaux et écologiques de la région, nous y sommes favorables. Nous voulons que les personnes qui habitent à proximité puissent toucher des compensations et nous avons lancé un programme pour réhabiliter un million d'hectares de terres contaminées par le strontium.
Article de 2001

L’accident des conteneurs à Mayak de 1957 en détail (Ville de Kychtym)

La "trace" nucléaire de l'explosion de Kychtym s'étend sur trois cents kilomètres vers le nord-est,
entre des zones peuplées de l'Oural industriel - ainsi, la ville de Sverdlovsk compte plus d'un million,
d'habitants. La largeur de la trace varie de trente à cinquante kilomètres. Les courbes de niveau délimitent
différents degrés d'irradiation des terrains par le strontium 90.

Trente-trois ans plus tard, les Soviétiques lèvent à demi le voile sur l'un de leurs secrets les mieux gardés, la catastrophe nucléaire de Kychym qui fit de cette région la zone la plus polluée de la planète. 2 millions de curies (1) auraient été rejetés dans l'atmosphère le 29 septembre 1957, à 16 h 20, polluant la région de Kychtym, dans l'Oural, entre Sverdlovsk et Tcheliabinsk. Il s'agissait du premier centre soviétique de production de plutonium militaire édifié dès 1949, sous la conduite de l'académicien Igor Kourtchatov, et aucune information ne transpira en URSS ni à l'étranger (2). Le site contient des réacteurs plutonigènes pour fabriquer les charges nucléaires des missiles. Sur les six réacteurs, quatre viennent d'être fermés cette année. Le cinquième le sera courant octobre. Quant au dernier, il fonctionne encore.

Selon deux chercheurs américains du Natural Resources Defense Council, Thomas Cochran et Robert Standish Noris, il n'y a pas que l'accident de 1957 à considérer. " Kychtym est l'endroit le plus contaminé de la planète ", disent-ils. Les rejets radioactifs provenant du centre nucléaire, déversés au cours des années dans les lacs et les rivières auraient atteint, selon eux, le chiffre record de 120 millions de curies. Il faudra attendre six cents ans, expliquent-ils, pour que le niveau de radioactivité redescende au taux encore dangereux de 120 curies. Encore aujourd'hui, affirment ces deux chercheurs, quelqu'un qui resterait sur le site à l'endroit le plus contaminé serait exposé à une dose de 500 rad/heure, suffisante pour tuer un homme en une heure seulement.

Voici, en attendant, la version de Iosif Nekhamkin, entrecoupée de quelques commentaires (en italique) de Monique Séné, physicienne au CNRS et présidente du Groupement de scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire.

Fondée en 1946 dans l'Oural du Sud par Igor Kourtchatov, le physicien responsable du programme soviétique de la bombe H, la première ville atomique, Tchéliabinsk-40 ou "la quarante", est située à une centaine de kilomètres de Tchéliabinsk, au milieu de forêts et de lacs. Elle ne figure encore aujourd'hui sur aucune carte, bien que le site soit historique: c'est là que commença à fonctionner, en 1948, le premier réacteur destiné à fournir du plutonium. Ce qui permit, le 29 août 1949, de réaliser la première explosion nucléaire soviétique sur le polygone d'essais nucléaires de Sémipalatinsk. Le monopole atomique de l'Ouest avait pris fin; l'"équilibre de la terreur" commençait.

Pour le traitement du combustible nucléaire et l'extraction du plutonium, une usine d'enrichissement avait été construite. Il fallait donc apprendre à maîtriser le maniement des déchets radioactifs. On en ignorait presque tout: de 1949 à 1952, on déversa dans un plan d'eau plusieurs millions de curies d'éléments radioactifs. Les responsables, ayant fini par soupçonner les dangers de cette pratique, décidèrent de stocker les déchets dans de grands réservoirs.

M. Séné: Le retraitement des combustibles irradiés d'où l'on extrait le plutonium entraîne des déchets hautement radioactifs, appelés produits de fission et dégageant une chaleur intense. Ces déchets se présentent sous forme liquide et doivent être stockés et refroidis pendant de longues périodes dans des enceintes spéciales C'est ce type de déchets qui est brassé et refroidi en permanence dans d'immenses cuves dans l'usine de retraitement française de La Hague, à la pointe du Cotentin.

A Kychtym, ces dépôts étaient constitués d'un ensemble de 60 réservoirs souterrains en acier inoxydable. Chaque réservoir d'un volume de 250 m3, était installé dans une sorte de fosse en béton aux parois de 60 cm d'épaisseur. La fosse de chaque réservoir était recouverte d'une dalle de 150 cm en béton d'un poids avoisinant les 160 t. Les réservoirs étaient refroidis en permanence grâce à une circulation d'eau à l'intérieur des fosses. La température à l'intérieur des cuves se situait autour de 300 à 350 degrés C. Plusieurs fois par jour, des équipes spécialisées vérifiaient la température et le niveau des solutions dans les réservoirs.

Le 29 septembre 1957, dans cette boîte de béton, le refroidissement par eau s'était interrompu, provoquant l'échauffement de la matière stockée, puis son ébullition. Les solutions contenaient, entre autres, du nitrate d'ammonium, un puissant explosif. Au fur et à mesure que ce composé se concentrait et s'échauffait il se rapprochait d'un point critique qui finit par être atteint, ce qui se traduisit par une violente explosion équivalente à de 5 à 10 tonnes de TNT. L'explosion fracassa le réservoir et souffla. comme une plume son couvercle de béton, tandis que les parois de la fosse étaient rejetées à plusieurs centaines de mètres de là.

Bien que cette explosion ne fût pas d'origine nucléaire mais chimique exothermique, elle rejeta à proximité du site 90 % des produits radioactifs que contenait le réservoir, tandis que les 10 % restants, soit 2 millions de curies, s'échappaient dans l'atmosphère. Le nuage monta à un kilomètre d'altitude. Un vent fort soufflait; le nuage se dirigea vers le nord-est, laissant au sol une trace radioactive tout en longueur. Les scientifiques appelèrent celle-ci "VOURS" (Vostochono-Ouralski Radioactivni Sled), c'est-à-dire "trace radioactive de l'Oural de l'Est". La trace s'étalait sur plus d'une centaine de kilomètres de long.

M. Séné: Actuellement il y a encore dans le sol la moitié de la quantité initiale de radioactivité! Il est vrai que le strontium est facilement lessivable par les pluies, mais il n'a pas disparu pour autant; les nappes d'eau souterraines doivent en avoir récolté une bonne partie Par ailleurs, les Soviétiques peuvent se féliciter de ne pas avoir eu, comme à Tchernobyl, des retombées de césium 137, radioélément qui semble le plus tenace et qui pose les problèmes de contamination les plus importants. Pourquoi cette absence ? Les Soviétiques se servaient à l'époque du césium 137 pour fabriquer des sources radioactives destinées à l'industrie et l'extrayaient des combustibles irradiés au moment du retraitement Par un coup du sort, c'est également l'absence de césium 137 qui est indirectement responsable de l'explosion, puisque le nitrate d'ammonium, explosif présent dans les déchets, provient justement du processus d'extraction du césium!

Jean-René Germain, Jacqueline Denis-Lempereur et Iosif Nekhamkin (enquête à Kychtym)
Science & Vie n-877 octobre 1990 (extrait)

Essais nucléaires au Kazakhstan

Depuis sa découverte de l'arme nucléaire, l'Union Soviétique a procédé à 714 essais, dont 467 au Kazakhstan depuis 1949 :
124 à l'air libre et 343 dans le sol. Les essais varièrent de plusieurs tonnes jusqu'à 150 kilotonnes, représentant 2 500 fois la bombe d'Hiroshima. Chacun d'eux a coûté 30 millions de rouble (32 millions d'US $).
La population environnante était composée de 3 millions de personnes. Le Polygone d'essai, situé à l'est du Kazakhstan, couvrait une superficie de 1 800 km². Le premier essai eut lieu le 29 août 1949. Le manque de transparence des résultats du contrôle des doses de radio-isotopes de la population et la contamination du terrain a toujours été un secret d'Etat. La mortalité des enfants, l'apparition de maladies somatiques et de cancers chez les adultes étaient les suites de l'exposition à des radiations ionisantes.
Après 1988, les essais souterrains ont lieu à 800 mètres de profondeur et plus à seulement 500 mètres par un tunnel horizontal. Cependant, en février 1989, une fuite importante de gaz inertes s'est répandue non seulement sur le Polygone mais aussi sur les régions environnantes. Olzhas Souleimenov, poète et député au Soviet Suprême de l'URSS, a pris la tête d'un mouvement de protestation exigeant la fermeture définitive du Polygone, le mouvement Nevada-Semipalatinsk. Le 29 août 1991, le président Nazarbayev a pris la décision de fermer définitivement le Polygone d'essais nucléaires à Semipalatinsk.
Fernand Goldschmit, Membre de la délégation de la Commission européenne Alma-Ata - Kazakhstan, Rc Luxembourg, 23 août 1999

Extrait de la lettre du Rotary contact n°208, du 05/2000

Aux états unis

La guerre froide a conduit les états unis à produire de grandes quantités de déchets nucléaires, aujourd’hui entreposé dans des conditions de relative sûreté. Depuis 1988, aucune usine de retraitement ou de réacteur de production n’est en activité. Néanmoins, des zones contaminées persistent dans ces sites.
Les principaux sites sont :

Hanford dans l’état de Washington

Savannah river en Georgie

Oak Ridge dans le Tennessee

Aujourd’hui, le département de l’énergie des états unis (DOE) partage depuis 6 ans avec les russes les ressources permettant la réhabilitation de l’environnement et la gestion des déchets.

 

 

 
 
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